Les urgences de Martigny sont fermées de nuit depuis le 9 janvier 2023. C’était il y a plus d’un an. En fait, elles ne rouvriront plus?

Il faut demander à l’Hôpital du Valais (HVS). Le Conseil d’Etat regrette cette fermeture, mais l’hôpital se retrouve confronté à un double problème. D’abord de fréquentation et donc d’efficience, puisqu’il n’y a pas assez de patients de nuit à Martigny, et surtout à un problème de personnel, puisqu’il ne parvient pas à recruter des médecins urgentistes depuis des mois.

Est-ce qu’on est plus proche de fermer les urgences de Martigny que de les rouvrir de nuit?

Les urgences de jour à Martigny n’ont jamais été remises en cause. L’HVS n’est jamais venu vers nous avec une telle proposition.

Le Conseil d’Etat ne peut pas imposer à l’hôpital de rouvrir les urgences à Martigny?

Le gouvernement a demandé à l’hôpital de rouvrir, mais on est obligé d’écouter le service d’urgences quand il dit se trouver déjà dans une situation compliquée à Sion et nous demande de ne pas être forcé de déplacer des ressources nécessaires aux urgences de Sion du côté de Martigny.

L’avenir pourrait passer par la transformation des urgences de Martigny en une sorte de polyclinique.

Alors pourquoi ne pas décider de renforcer Sion et fermer tout simplement les urgences de Martigny?

On doit faire attention à maintenir certaines prestations sur l’ensemble du territoire. L’avenir pourrait passer par la transformation des urgences de Martigny en une sorte de polyclinique, qui permettrait de prendre en charge des cas urgents qui ne relèvent pas de l’urgence vitale. Mais je m’oppose vraiment à l’idée de supprimer l’offre de prise en charge à Martigny. La population en a besoin. Aujourd’hui, l’hôpital doit travailler sur un concept de prise en charge des urgences sur l’ensemble du territoire.

Parlons un peu de la révision partielle de la loi valaisanne sur la santé, qui sera bientôt débattue au Grand Conseil. Elle reprend notamment l’exigence fédérale de limitation du nombre de médecins au niveau cantonal, pour les spécialités où l’offre médicale serait excédentaire par rapport au besoin de la population. Vous prévoyez de ne plus laisser s’installer de cardiologues et de radiologues en Valais, c’est paradoxal alors qu’on manque de certains médecins.

Ça peut paraître contre-intuitif, mais c’est la loi fédérale qui l’exige. Dans le canton, quelques spécialités, en l’occurrence les cardiologues et radiologues, affichent un taux de couverture au-dessus de la moyenne nationale, nous devons donc les réguler. C’est clair que le Valais n’affiche pas une couverture médicale trop abondante dans la plupart des spécialités, mais on n’est pas non plus dans une situation de pénurie généralisée. La situation est plutôt bonne pour le moment. Pour les généralistes par exemple, on manque de médecins dans certaines régions mais pas toutes.

La situation est plutôt bonne pour le moment. Pour les généralistes par exemple, on manque de médecins dans certaines régions mais pas toutes.

La Société médicale valaisanne est opposée à cette limitation. Vous ne craignez pas qu’en évaluant mal le besoin et en interdisant à des médecins de s’établir, il en manque demain?

On entend le souci de certains milieux de se voir imposer une régulation par l’Etat, mais nous devons appliquer le droit fédéral. Dans une logique d’efficience et de maîtrise des coûts, c’est normal qu’on le fasse avec sérieux. Cette limitation voulue au niveau fédéral peut aussi être une chance pour le Valais, qui pourrait voir s’installer des médecins spécialistes ou généralistes qui ne peuvent plus le faire dans d’autres cantons.

Sion - 29 février 2024 - Mathias Reynard
Chef du Département de la santé, des affaires sociales et de la culture. © Sabine Papilloud

Photo: Sabine Papilloud

Cette révision introduit aussi la possibilité de prélever une taxe pour le service de garde médicale qui peut aller jusqu’à 12 000 francs. La participation à ce service est pourtant obligatoire pour les médecins. Quelle est la situation?

Il y a un problème dans la garde médicale aujourd’hui en Valais. Seulement la moitié des médecins astreints à la garde la font. Il y a un nombre croissant et relativement important d’exemptions. Alors on entend ceux qui disent ne pas vouloir d’une taxe, mais on entend aussi tous ceux qui font la garde et disent que cela ne peut pas continuer ainsi. Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment d’incitatif à se rendre disponible pour ce service à la population, sans doute que cette mesure pourrait aider.

Seulement la moitié des médecins astreints à la garde la font.

La Société médicale valaisanne s’oppose «avec véhémence» à cette taxe qui plomberait encore l’attractivité du canton pour les médecins. Les taxer, alors que le Valais souffre déjà du manque de praticiens, ça ressemble à une très mauvaise idée?

Parfait, s’ils pensent que ce n’est pas une bonne idée, ils n’auront qu’à ne pas la mettre en place. On donne cette possibilité parce que certains réclament une base légale, mais c’est aux associations professionnelles de choisir de le faire ou non. Cette taxe permettra de revaloriser les personnes qui s’engagent. Parallèlement, on travaille aussi à la création d’une maison de la garde à l’hôpital de Sion dans les prochains mois. Cette structure, qui existe déjà à Viège, permettrait de soulager les urgences avec la prise en charge des urgences non vitales.

La révision prévoit que les pharmaciens puissent pratiquer certains tests ou vaccins et remettre certains médicaments sans prescription médicale. Quel est l’objectif?

On essaie de rendre le système plus interprofessionnel. Pendant le Covid, on a pu voir que les pharmaciens sont un pilier de la santé et ils ne sont pas utilisés à la hauteur de leurs compétences. Il faut rendre possible l’utilisation de ces compétences en cassant le cloisonnement du système de santé. Quand on souffre d’une cystite par exemple, c’est souvent très douloureux et ce n’est pas toujours possible d’obtenir un rendez-vous rapidement chez le médecin. L’idée serait de pouvoir aller à la pharmacie chercher son antibiotique simplement.

Les pharmaciens ne sont pas utilisés à la hauteur de leurs compétences.

Dans le même sens, les médecins sont pour à condition que vous leur permettiez de fournir eux-mêmes certains médicaments. Ça semble logique?

C’est déjà possible dans certains cas. Mais généraliser cette possibilité ce serait tuer les petites pharmacies des régions périphériques. Le Conseil d’Etat n’y est donc pas favorable. On voit bien qu’on va manquer de médecins à l’avenir. Alors il faut imaginer comment faire pour que le système de santé fonctionne avec un nombre de médecins limité. En utilisant notamment les compétences des pharmaciens ou encore du personnel infirmier en pratique avancée.

Si je vous dis que ces trois changements majeurs de la révision semblent dirigés contre les médecins. Vous êtes d’accord?

Non, au contraire. On reçoit beaucoup de retours positifs de médecins sur cette révision. Ceux qui font la garde sont très contents, de nombreux généralistes qui sont déjà sous l’eau aussi.

Les médecins sont-ils trop payés?

Un médecin généraliste n’a pas du tout le même salaire que certains spécialistes.

Donc les spécialistes sont trop payés et les généralistes ne le sont pas assez?

Oui.

La révision introduit aussi la fonction d’infirmier cantonal. Pourquoi a-t-on besoin de créer ce poste?

C’est très important dans la mise en œuvre de l’initiative «pour des soins infirmiers forts». On s’inspire de l’exemple vaudois. L’infirmier cantonal sera chargé de construire une stratégie pour les soins infirmiers avec les hôpitaux, les EMS, les CMS, l’école et la haute école.

En matière de soutien aux soins infirmiers, vous avez pris de nombreuses mesures pour amener des gens à se former à ces métiers et améliorer les conditions de travail, avec notamment des augmentations de salaire et le renforcement des équipes. A part vous amener des soutiens en vue des prochaines élections, est-ce que ces mesures ont déjà des effets concrets?

Je crois qu’on ne peut pas tous applaudir aux fenêtres, voter pour l’initiative fédérale «pour des soins infirmiers forts», puis ne pas passer aux actes. Revaloriser les soins infirmiers était ma priorité et une promesse de campagne. Le canton a donc débloqué 42 millions de francs sur trois ans pour améliorer la situation à l’hôpital, en CMS et en EMS. Le Valais est cité en exemple dans la mise en œuvre de l’initiative. Au-delà de cet impact direct pour le personnel actuel, ces mesures ont d’autres effets importants.

Nous avons formé en 2023 environ 120 personnes de plus qu’en 2022 dans le domaine des soins.

Lesquels?

Le chef infirmier de l’hôpital du Haut-Valais m’a par exemple dit recevoir, pour la première fois depuis des années, des offres spontanées de soignants qui étaient partis en Suisse alémanique et qui souhaitent maintenant revenir en Valais. Et côté formation, nous avons formé en 2023 environ 120 personnes de plus qu’en 2022 dans le domaine des soins.

Vous augmentez les salaires du personnel infirmier, mais que fait le ministre de la santé valaisan pour réduire les coûts de la santé?

Si on regarde ces dernières années, les primes en Valais augmentent moins que dans les cantons voisins alors qu’on a déjà des primes plus basses. Donc il faut croire qu’on ne fait pas tout faux. L’hôpital public est très présent en Valais et je pense que c’est un avantage. Jamais l’Hôpital du Valais n’a été autant soutenu par le canton qu’aujourd’hui et nous attendons de lui une gestion efficiente et rigoureuse. On investit aussi beaucoup dans la prévention.

Photo: Sabine Papilloud

D’accord, mais cela ne date pas de votre arrivée à la tête du département, vous, vous faites quoi concrètement? Vous avez des leviers pour agir sur ces coûts?

Oui, on a des leviers et on s’en sert. Nous avons par exemple beaucoup renforcé la pédopsychiatrie, ce qui permet d’éviter des hospitalisations. La révision de la loi sur la santé dont on vient de parler met aussi en place des mesures qui permettent de réduire ou de freiner les coûts de la santé, mais évidemment tout ne peut pas se faire à l’échelon cantonal. Il faut un pilote au niveau fédéral.

Et oui, à Berne, il nous faudrait une législation plus forte.

Si la santé était de compétence fédérale ce serait mieux pour éviter des concurrences entre cantons qui s’avèrent coûteuses?

Si certaines compétences doivent rester au plus proche de la population, il y en a toute une série qui doivent être réglées au minimum à l’échelon intercantonal. Et oui, à Berne, il nous faudrait une législation plus forte. A chaque fois qu’il y a eu des tentatives pour mettre en place des mesures fortes, comme sur le prix des médicaments, ça a été affaibli par les lobbys au Parlement fédéral.

Aujourd’hui, l’hôpital perd de l’argent parce que ces tarifs sont trop bas.

Les finances de l’Hôpital du Valais, qui affichaient un déficit de plus de 7 millions sur l’exercice 2022 épongé par le canton, sont votre plus grand souci?

C’est le gros problème de tous les hôpitaux publics du pays. Il y a un souci de sous-financement, lié aux tarifs hospitaliers. Aujourd’hui, quand il travaille, l’hôpital perd de l’argent parce que ces tarifs sont trop bas.

Un mandat d’une telle ampleur coûtera environ 50 000 francs. C’est évidemment de l’argent bien investi au vu des enjeux colossaux qui se chiffrent en dizaines de millions pour l’hôpital.

En décembre un surcoût de 123 millions de francs a été annoncé pour les chantiers des hôpitaux de Brigue et de Sion. Est-ce que ces éléments trahissent un problème de gestion opérationnelle à l’Hôpital du Valais?

Dans un rapport sur ce surcoût, l’inspection cantonale des finances est très claire à ce sujet: il n’y a pas de problème de gestion. L’Hôpital du Valais doit faire face au renchérissement comme n’importe quel autre maître d’ouvrage aujourd’hui. Le Conseil d’Etat a donc mandaté un expert externe pour analyser la situation et trouver des solutions. Cela passera, comme nous le demande le Grand Conseil, par un soutien de l’Etat du Valais et par la priorisation des projets à venir de l’HVS. Pour le Conseil d’Etat, la priorité est l’hôpital de Malévoz, dont la rénovation est une nécessité.

Combien coûte une telle expertise externe?

Un mandat d’une telle ampleur coûtera environ 50 000 francs. C’est évidemment de l’argent bien investi au vu des enjeux colossaux qui se chiffrent en dizaines de millions pour l’hôpital.

En termes de capacité, il n’y a pas trop de lits et il n’y a pas trop de sites hospitaliers dans le canton aujourd’hui.

Y a-t-il encore trop d’hôpitaux en Valais?

Non, je ne pense pas. En termes de capacité, il n’y a pas trop de lits et il n’y a pas non plus trop de sites hospitaliers dans le canton aujourd’hui. Il faut encore travailler à le rendre plus efficient en regroupant certaines spécialités sur certains sites.

Depuis fin 2022, Danièle Tissonnier dirige le Service valaisan de la santé. Nommer à ce poste quelqu’un qui a fait sa carrière en bonne partie dans le domaine de l’enseignement, est-ce que ce n’est pas problématique?

Elle était surtout cheffe des centres SIPE, c’est principalement pour son rôle dans la prévention de la santé qu’elle a été choisie. C’était le meilleur dossier.

Photo: Sabine Papilloud

Par rapport à son prédécesseur et au médecin cantonal on la voit peu. Trop peu?

La dynamique au sein du service est différente aujourd’hui avec un médecin cantonal qui est sans doute plus présent dans les médias que son prédécesseur et une cheffe de service qui l’est moins. C’est leur cuisine interne. A eux de trouver la dynamique qui leur convient.

Aujourd’hui, à compétences égales une femme est favorisée par rapport à un homme pour un poste de chef de service?

Pour des dossiers similaires, oui.

Je pense qu’on a suffisamment été en retard en matière d’équilibre homme femme dans les postes clés de l’administration cantonale pour vouloir rattraper ce retard.

Et c’est une bonne chose?

Je pense qu’on a suffisamment été en retard en matière d’équilibre homme femme dans les postes clés de l’administration cantonale, pour vouloir rattraper ce retard et enfin avoir une meilleure représentation des femmes. Le critère premier reste évidemment la compétence et l’expérience, la question se pose lorsqu’il faut départager.

L’Hôpital du Valais va plancher sur des mesures d’économies

Face à l’augmentation massive des coûts, l’Hôpital du Valais est contraint de prendre des mesures d’économie pour retrouver un équilibre financier. Une cellule spéciale a été mise en place.